jeudi 17 juillet 2008

Bobin, Christian- Prisonnier au berceau


Première revue, je débute avec mon poète contemporain favori. Pour la musique de ses mots, son lien privilégié avec l'enfance et la beauté de ses images...

"Ce livre raconte la genèse d'un regard. Il est le socle à partir duquel tous les autres livres de Christian Bobin se sont levés.En cela, il signe bien le pacte de la collection Traits et portraits qui propose à chaque auteur de bâtir son autoportrait. « J'ai toujours habité deux villes », écrit Christian Bobin dans la première phrase, « le Creusot et la ville qui est au dessus, dans les nuages ». Le Creusot est au centre de cette méditation au plus près de l'intime. C'est là que Christian Bobin est né et c'est une ville qu'il n'a jamais pu quitter comme si un ange s'était toujours tenu sur le seuil de sa porte, les bras croisés, pour l'empêcher de sortir.
La singularité de cette ville est d'avoir été riche, puis appauvrie, brutalement. Mais dans cette dureté et ce dénuement, Christian Bobin montre peu à peu comment il a trouvé la plus grande douceur. Tout ce qui aurait pu tourner en enfermement s'est renversé pour lui en liberté, en lumière, en création. Des scènes fulgurantes et énigmatiques traversent le récit : la photographie d'un enfant mort trouvé dans le grenier, un lapin que le grand-père dépèce sous les yeux de l'enfant, un ouvrier qui tombe dans une cuve en fusion et surtout, comme le pivot essentiel du livre, le secret autour d'une grand-mère enfermée dans un asile pendant des années, mais dont on ne parlera jamais, ou avec des mots incompréhensibles, décalés, qui laisse l'enfant dans un état de stupeur. Dans chacune de ces scènes, rôde une absence qui se transforme aussitôt en son envers : le goût du miracle de vivre, la beauté d'un visage, l'éclat et la noblesse d'un regard, la gloire secrète de la pauvreté, du dénuement. Entre la présence-absence de cette ville qui apparaît dans de grandes photographies du début du vingtième siècle, provenant de l'écomusée du Creusot et qui rythment le récit, viennent se glisser de magnifiques gravures de Dürer, où la violence et la douceur se côtoient sans cesse, corps à vif ou anges se promenant dans le ciel. Christian Bobin nous conduit dans ses interrogations autour de la beauté et de la stupeur et l'on assiste au fil du récit, à ce cheminement intérieur qui l'a rendu écrivain. J'ai écrit ce livre parce que je voulais voir, semble-t-il nous dire, et ce sont des visions qui me sont alors apparues. C'est du coup le livre le plus direct, le plus touchant et le plus limpide de toute son oeuvre qu'il nous offre ici."

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